Le mage du Kremlin, de Giuliano da Empoli

Ce roman, goncourable, a raté de justesse la prestigieuse récompense en 2022. L’aurait-il mérité davantage que Brigitte Giraud et son « Vivre vite » ? Les avis des chroniqueuses que j’ai pu lire étaient partagés, certaines ayant adoré, d’autres s’étant au contraire ennuyées. Pour ma part, j’avais hâte de me plonger dans ce roman dont je ne savais que peu de choses, sinon qu’il se passait dans la Russie contemporaine et mettait Vladimir Poutine en scène.

De fait, Vadim Baranov, le héros de l’histoire, s’il est fictif, est largement inspiré de Vladimir Sourkov qui fut un des plus proche conseiller de l’actuel président russe.

Ce roman, où la frontière entre réalité et imagination de l’auteur reste constamment indiscernable, raconte à la première personne le parcours de cet homme ordinaire, producteur de télévision, que rien ne destinait à devenir un des agents de l’ombre les plus puissants de Moscou. Giuliano da Empoli y livre également une analyse extrêmement intéressante des jeux de pouvoirs politiques, en Russie et ailleurs. Le récit de l’ascension jusqu’au sommet de l’état d’un homme déterminé, prêt à tout pour parvenir à ses fins, m’a fascinée, comme les réflexions sur la conquête et la conservation du pouvoir, quel qu’il soit.

Remarquablement bien écrit, ce roman m’a séduite.

Portrait psychologique d’une grande finesse, reflet d’une époque et d’un monde que l’auteur juge, dans les dernières pages, avec une lucidité sombre qui fait froid dans le dos, tant elle semble coller à la réalité que nous livrent, chaque jour, nos journaux télévisés. D’ailleurs, fait remarquable, prouvant assez la maîtrise que Giuliano da Empoli avait de son sujet, il évoque une invasion de l’Ukraine par la Russie alors que, au moment où le roman a été écrit, celle-ci n’avait pas encore eu lieu.

Une raison, parmi d’autres, de lire ce roman dense, à la portée étonnamment universelle.

Sans jugement pour le livre de Brigitte Giraud – que je n’ai pas lu – il me semble que « le mage du Kremlin » aurait parfaitement pu prétendre à la récompense suprême cette année. Qu’il ait obtenu le Grand Prix de l’Académie française est une consolation.

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