Seule en sa demeure, de Cécile Coulon
Voici un livre que j’avais repéré dès sa sortie, à la rentrée littéraire 2021, et que je voulais absolument découvrir. Le titre énigmatique, la sublime couverture dans les tons de rouge et noir, avec son manoir inquiétant dissimulé au fond d’une forêt, dont les arbres, en filigrane, dessinent le portrait caché d’une jeune femme… celui-là était pour moi !
C’est chose faite et, en dépit de quelques petits bémols, je ne le regrette pas.
Le sujet, d’abord : Cécile Coulon place son histoire dans le Jura français de la fin du XIXème siècle. Candre Marchère, un riche propriétaire terrien de la région, éprouvé par son récent veuvage alors qu’il n’a pas encore trente ans, jette son dévolu amoureux sur Aimée Deville, dix-huit ans, gentille et ingénue. Le prétendant fait sa cour dans les règles, conquiert, sans grande difficulté, la jeune fille impressionnée par son charisme et par le pouvoir qu’il représente.
Poussée par son père, elle accepte donc la demande en mariage de cet homme taciturne et dévot, supposant, du haut de son inexpérience, que l’amour viendra avec le temps. Candre, d’ailleurs, est extrêmement attentionné et soucieux du bien-être de sa jeune épouse. S’il la laisse bien souvent seule dans son austère manoir, pour régler ses affaires et diriger son domaine, il s’assure qu’elle ne manque de rien, allant même jusqu’à lui préparer son petit déjeuner lui-même ou à faire venir, à grands frais, une professeure de flûte renommée depuis Genève pour la distraire. De fait, elle n’est pas tout à fait seule puisque, entre les murs de la maison du Maître, veille la fidèle Henria. La domestique, attachée depuis toujours au service des Marchère, a élevé Candre à la mort de sa mère et l’aime autant, sinon plus, que son propre fils Angelin…
Dans une ambiance feutrée et mystérieuse, on suit les premiers pas d’Aimée dans cette nouvelle vie, dans cette vaste demeure silencieuse où plane le souvenir de la première femme de Candre, Aleth.
Inévitablement, on pense à l’extraordinaire roman de Daphné du Maurier, « Rebecca », dont je gage que Cécile Coulon s’est inspirée pour son histoire.
Il se passe beaucoup de choses dans la demeure des Marchère. Le mari attentionné dissimule des secrets, la mort de la première épouse est suspecte, et le petit domestique aux manières sauvages en sait bien davantage que ce qu’on pourrait croire…
Les situations sont intéressantes, comme les personnalités des acteurs de ce huis-clos, fouillées et bien travaillées pour les rendre réalistes et crédibles. Une fois n’est pas coutume, j’aurais finalement aimé que ce roman soit plus long. Que l’auteure prenne davantage de temps pour immerger son lecteur dans son histoire, pour l’imprégner de l’atmosphère particulière du manoir et, surtout, en faire éclore menace et mensonges de façon plus progressive. Les rebondissements se succèdent, on passe d’une scène à l’autre, d’une émotion à une autre d’une manière qui m’a semblée légèrement chaotique. L’évolution des sentiments d’Aimée était tellement rapide que j’ai eu du mal à suivre ses résolutions subites et emportées, autant que sa facilité à y renoncer dans les pages qui suivaient. Quant à Candre et Henria, leurs comportements et leurs motivations auraient, à mon sens, mérités d’être davantage approfondis, cela aurait peut-être apporté plus de force à l’intrigue.