Les gens heureux lisent et boivent du café, d’Agnès Martin-Lugand
Agnès Martin-Lugand fait partie de ces auteurs « phénomènes » dont chacun a entendu parler et dont chaque nouveau roman est un best-seller. Je n’avais pas encore eu l’occasion de « m’attaquer » à elle, même si le titre à rallonge de son premier livre, « Les gens heureux lisent et boivent du café », m’attirait depuis longtemps.
Les premières lignes de l’histoire donnent immédiatement le ton.
« Maman, s’il te plaît ?
— Clara, j’ai dit non.
— Allez, Diane. Laisse-la venir avec moi.
— Colin, ne me prends pas pour une imbécile. Si Clara vient avec toi, vous allez traîner, et on partira en vacances avec trois jours de retard.
— Viens avec nous, tu nous surveilleras !
— Certainement pas. Tu as vu tout ce qu’il reste à faire ?
— Raison de plus pour que Clara vienne avec moi, tu seras peinarde.
— Maman !
— Bon, très bien. Filez ! Oust ! Je ne veux plus vous voir.
Ils étaient partis en chahutant dans l’escalier. J’avais appris qu’ils faisaient encore les pitres dans la voiture, au moment où le camion les avait percutés. Je m’étais dit qu’ils étaient morts en riant. Je m’étais dit que j’aurais voulu être avec eux «
Le malheur de la pauvre Diane est évidemment de ceux qui touchent. Perdre si brutalement son mari et sa petite fille, voilà une tragédie qui ne peut qu’émouvoir. Le sujet, cependant, est plus difficile à traiter qu’il n’y paraît. Le deuil, la résilience sont des thématiques très fréquemment abordées en littérature et relativement « à la mode » ces derniers temps. Pour l’auteur qui s’y risque, il s’agit d’éviter les clichés, la caricature, les discours pontifiants et les phrases de réconfort toutes faites. Certains se sortent de l’exercice avec beaucoup de brio, comme Melissa Da Costa dans « Les lendemains » (chronique à lire ici), ou Emilie de Turckheim et son superbe « Lunch box ».
La tâche était ardue, donc, et d’autant plus audacieuse qu’il s’agissait d’un premier roman.
Les premières pages s’attardent sur la peine immense de Diane, son désespoir bien légitime mais qui, après quelques chapitres, devient un tantinet lassant. Évidemment, ses proches tentent de l’extirper de sa spirale dépressive : le meilleur ami gay qui fait la fête chaque nuit et collectionne les amants, les parents dont on ne sait pas ce qui l’emporte, de la bêtise ou de la méchanceté. A ce moment de la lecture, on commence à comprendre que les personnages de ce roman seront conformes en tout point aux clichés du genre, et on aura raison.
La seconde partie du roman n’échappe malheureusement pas à ce constat.
Soudain, Diane trouve la force de s’extirper du marasme et se rue en Irlande, pays dont elle ne sait rien mais que son mari rêvait de visiter un jour. Là voilà donc parachutée dans un bout du monde pluvieux et à peu près aussi déprimant que l’environnement précédent. Heureusement, tout le monde est adorable avec elle, elle se mêle sans la moindre difficulté à la vie autochtone, ne rencontre aucun souci pour communiquer (pourtant, l’anglais de là-bas… mais admettons) et se met même à la Guinness (heureusement qu’on n’est pas en mars sinon, à tous les coups, elle attraperait un violon et jouerait les guest-stars au concert traditionnel de la Saint Patrick).
Puis arrive le voisin. Ah, le voisin ! Parlons-en.
Évidemment, il est beau, rugueux et, d’emblée, ces deux-là se détestent. S’ensuivent quelques scènes de confrontation et d’hostilité terriblement artificielles, dont le seul but est, sans doute, de faire comprendre au lecteur qu’ils finiront dans le même lit.
A ce stade, Diane se comporte comme une adolescente énamourée, très loin de la veuve inconsolable des débuts. A la limite, on est content pour elle, quoiqu’un peu dérouté par cette histoire tragique qui, sans crier gare, vire à la romance mâtinée de « feel-good », l’un comme l’autre très convenues. L’écriture, sans être déplaisante à lire, manque de relief, comme l’intrigue ou les caractères des différents personnages.
En somme, un roman prévisible et gentil qui séduira les amateurs de lecture-détente et de romances pas compliquées.
Cette chronique est parue initialement sur le blog « Au Plaisir de Lire », à découvrir ICI.