Circé, de Madeline Miller

J’ai découvert ce roman via Bookstagram et les nombreuses chroniques élogieuses qui en étaient faites. Quand Justine (@sherbone_books_) m’a proposé une lecture commune, je n’ai plus hésité !

Bien m’en a pris. Ce roman est une merveille.

Sans doute connaissez-vous Circé la sorcière, née d’un Dieu et d’une nymphe, qui changeait les matelots en pourceaux et qu’Ulysse aima ? C’est bien d’elle qu’il s’agit, mais le roman de Madeline Miller est beaucoup plus qu’une énième transposition de l’Illiade.

Le premier tour de force de l’auteure est d’avoir su s’emparer du mythe sans le dénaturer. Chacun des personnages, divin ou mortel, est dépeint conformément à la tradition ; les généalogies divines, les hauts faits des héros comme leurs petites bassesses sont respectés, plantant un décor familier où le lecteur, se remémorant ses cours d’histoire de collège, trouvera aisément ses repères.

C’est d’ailleurs là, sans doute, que réside la véritable prouesse de Miller :

Avoir su, au sein de cet univers imposé, s’approprier ces personnages de légende et les doter d’une âme, d’une personnalité et, surtout, d’émotions qui les présentent sous un jour totalement inédit.

Circé n’est plus uniquement une sorcière rusée, prête à tout pour retenir le bel Ulysse dans ses griffes… C’est une femme, habitée par le doute et la solitude, déchirée entre sa nature divine, son immortalité, et sa part d’humanité, sa bonté, sa compassion… autant de faiblesses inacceptables pour les autres dieux.

Cette ambivalence sera la raison de son exil, mais aussi, de façon plus inattendue, une forme de catharsis.

Jour après jour, l’île fleurit. Mon jardin envahissait les murs de ma maison, répandant son parfum à travers mes fenêtres. Désormais, je laissais les volets ouverts. Je faisais ce qui me plaisait. Si on m’avait posé la question, j’aurais dit que j’étais heureuse. À ceci près que je n’oubliais pas.

Autour d’elle, gravitent d’autres figures connues, réinventées avec tout autant de brio par l’auteure : Dédale, l’architecte, Athéna, Hermès ou Hélios, Médée et son amant Jason… et, bien sûr, Ulysse, Pénélope et Télémaque, tout à la fois proches et très éloignés des héros que l’on connaît.

De multiples histoires dans l’histoire, donc, qui font progresser l’intrigue et évitent l’écueil d’une narration trop contemplative.

Dans une langue recherchée, riche, Madeline Miller nous immerge dans un univers onirique fourmillant de détails, de couleurs, d’odeurs, de sensations ; s’inspirant d’une légende éternelle, elle nous offre un récit intemporel où tout est maîtrisé.

Au-dessus de nos têtes, les constellations plongent et tournoient. Ma divinité brille en moi comme les derniers rayons du soleil avant qu’ils ne sombrent dans la mer. Jadis, je pensais que les dieux étaient le contraire de la mort, mais je vois maintenant qu’ils sont plus morts que tout le reste, car ils sont immuables et ne peuvent rien tenir dans leurs mains.

De la première à la dernière page (car la fin est, elle aussi, parfaite), l’auteure nous livre avec Circé une expérience littéraire exceptionnelle.

Coup de cœur.

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