Et toujours les Forêts, de Sandrine Collette

Il y a plusieurs mois que je rêvais de découvrir cette auteure, tout en hésitant à enfin franchir le pas. Sandrine Collette a la réputation d’écrire des romans sombres, très sombres… et les histoires désespérées, ce n’est pas forcément ma tasse de thé. J’ai fini par me laisser tenter par « Et toujours les forêts », paru en janvier 2020.

Au tout début de la pandémie qui devait, peu après, paralyser le monde entier, donc.

Étrange coïncidence, tout de même. Car si ce roman ne traite pas des ravages provoqués par une épidémie virale meurtrière, c’est bien d’une catastrophe planétaire qu’il va être question. Quelle est sa nature ? S’agit-il d’un incendie gigantesque, d’une explosion nucléaire, d’un phénomène météorologique cataclysmique ?

Nous ne le saurons pas davantage que Corentin, le personnage principal. Il ne devra son salut qu’à la fête à laquelle il participait, au cœur des catacombes de la « Grande Ville », quand le monde a pris fin.

Ce n’est pourtant pas ainsi que l’intrigue avait paru commencer.

Pas comme une dystopie, pas comme un de ces récits post-apocalyptiques devenus à la mode, ces dernières années, et qui se ressemblent tous plus ou moins.

Corentin est un enfant non désiré. Mal aimé, maltraité par une mère irresponsable, il grandit comme il peut, ballotté ici ou là jusqu’à ce que – miracle – son arrière-grand-mère, Augustine, le recueille à l’âge de cinq ans. Auprès de cette vieille femme un peu rude, mais qui l’aime, il va enfin pouvoir grandir dans le cocon rassurant des « Forêts », ce hameau niché au fond d’une vallée, isolé de tout.

Quand le jeune homme atteint l’âge de partir étudier à la « Grande Ville », il découvre un monde jusqu’ici inconnu et qui l’enivre. Insouciance, amitiés adolescentes, fêtes perpétuelles, il songe de moins en moins aux Forêts, de moins en moins à Augustine…

Jusqu’à ce qu’un jour, le monde finisse. Jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien.

D’un sujet souvent exploré en littérature comme au cinéma, Sandrine Collette tire un roman vertigineux. Comme prévu, c’est sombre, très sombre. Solitude, désespoir, répétition à l’infini des matins gris… Pourquoi s’acharner à survivre, quand il n’y a pas d’avenir ni aucun lendemain ?

Une intrigue dépouillée et pourtant fascinante, qui engloutit le lecteur jusqu’à la dernière ligne. Sandrine Collette évite avec brio tous les clichés du genre, les luttes manichéennes, les caractères trop héroïques pour qu’on y croie vraiment. Et c’est justement la banalité des personnages, leurs défauts, leurs contradictions et leurs lâchetés qui nous les rendent si attachants, si vrais. Au fil des pages, l’atmosphère devient plus oppressante, alors même que, timidement, l’espoir renaît, et c’est en apnée qu’on lit les derniers chapitres jusqu’au dénouement, inéluctable et magistral.

Un grand roman, qui vous poursuivra longtemps après l’avoir refermé.

Cette chronique est parue initialement sur le blog « Au plaisir de lire » (l’original est à découvrir ICI)

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