Le bâtard de Nazareth, de Metin Arditi

J’ai une attirance particulière pour les romans qui mêlent, à la fiction, une réalité à la fois historique et religieuse. Cela s’explique-t-il par un besoin de m’éloigner des sentiers balisés par mon éducation catholique qui, sans être rigoriste, a tout de même été parfaitement conventionnelle ? Je n’en sais rien, mais c’est bien cette fascination qui m’a conduite, naturellement, vers des oeuvres telles que l’excellent « Jésus au bûcher » de Catherine Clément, le remarquable « Royaume » d’Emmanuel Carrère ou, même si je l’ai moins aimé, « Soif » d’Amélie Nothomb.

Si les trois livres que je viens de citer, parmi tant d’autres, explorent la vie de Jésus telle qu’on la connaît à travers les textes bibliques, ils partent tous du postulat que leur héros était, effectivement, le fils de Dieu. Au risque de se mettre à dos l’ensemble de la Chrétienté, Metin Arditi fait, quant à lui, un choix diamétralement opposé dans « Le bâtard de Nazareth », puisque c’est bien l’humanité de Jésus, et elle seule, qu’il a décidé de traiter.

Humain, son héros l’est assurément, avec les failles, les doutes et les incertitudes que cela comporte.

S’emparant de l’histoire universellement connue, l’auteur déconstruit le mythe et recrée la légende, à la façon dont le joueur d’échecs modifie à chaque nouvelle partie le placement de ses pièces et l’ordre de ses coups. Les personnages que chacun connaît, Marie, Joseph, Marie-Madeleine, Jean le Baptiste et bien sûr les apôtres et surtout Judas, jouent une partition inédite et nouvelle, dont toute dimension mystique est singulièrement absente.

Cette réinterprétation, brillante, troublante par sa vraisemblance, irritera probablement les puristes et celles et ceux pour qui les Lois saintes sont gravées dans le marbre…

Clin d’œil ultime de l’auteur, sans doute, qui livre là une œuvre profondément humaniste, à la logique implacable et d’une remarquable finesse.

Magistral.

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