Atelier d’écriture : Attention, danger !
Exercice d’écriture
Vous avez envie d’écrire ?
Voici un exercice proposé à mes élèves lors des ateliers d’écriture que j’anime à Payerne chaque mois.
Suivez les consignes ci-dessous, et lancez-vous !
Si vous le désirez, vous pouvez poster votre texte en commentaire, ou me l’envoyer par mail, je serai ravie de vous lire : contact@catherine-rolland.com
ATTENTION, DANGER !
Votre personnage se trouve face à un avertissement, une interdiction d’avancer, mais il décide de passer outre.
Il peut s’agir d’un panneau, de l’avertissement proféré par une personne…
Que se passe-t-il ensuite ?
Contrainte 1 : Votre personnage pourra être un humain, ou bien un animal, une créature, un robot… A la fin de votre histoire, les autres participants devront trouver de qui (ou de quoi) il s’agit.
Contrainte 2 : Votre histoire devra commencer et finir par la même phrase.
Contrainte 3 : Vous placerez dans votre histoire les mots suivants :
Jargon – Entêté – Décoiffer – Fontaine – Hurluberlu
Bonne écriture ! Voici le texte que j’ai écrit :
Le grand Schtroumpf m’avait pourtant prévenu.
Je ne me suis jamais vraiment demandé pourquoi on l’appelait le Grand Schtroumpf. C’est curieux. Il n’est pas bleu, n’a pas de barbe, et ne vit pas dans une forêt avec d’autres petits bonshommes gesticulants dont les traits de personnalité sont si immuables qu’ils se substituent à leurs noms, comme le Schtroumf entêté ou le Schtroumf décoiffé (ah, celui-là, quel hurluberlu !). Bref, le grand Schtroumf, le nôtre, j’entends, n’a rien de commun avec le chef du village ennemi de l’infâme Gargamel, sinon le jargon par lequel il s’exprime le plus souvent. C’est vrai, pour qui est-ce qu’il se prend à donner des ordres que personne ne comprend et à parler par énigme ?
Alors jeudi, quand il m’a dit « Tant va la crème à l’eau, qu’à la fontaine disparaît le héros », j’ai vibré de lassitude – nous autres, n’ayant pas d’épaules, nous ne pouvons les hausser pour manifester notre désapprobation – et j’ai pivoté d’un quart de tour sur moi-même, bien décidé à l’ignorer, et surtout, à ne pas rater ma chance quand arriverait la nuit.
Coefficient de marée 116. C’est le moment ou jamais ! L’opportunité ne se représentera pas de retrouver enfin ma dulcinée dont, grâce à grain 3807 et grain 6002, j’ai grossièrement localisé l’emplacement. D’après eux, elle se trouve depuis le dernier équinoxe juste sous la chaise du maître-nageur-sauveteur, un repère évident auquel je me raccroche avec toute la force de ma volonté.
Grain 2027, je vais te retrouver !
Et les stupides mises en garde métaphoriques de grain 18784, alias le Grand Schtroumf, ne m’arrêteront pas !
Je patiente donc. J’observe la nuit qui tombe en luttant contre le vent qui s’est levé, et menace de m’emporter à tout instant. Il ne manquerait plus que ça ! Déjà qu’à cause de ce stupide chien sous le coussinet duquel je suis resté collé après qu’il m’a pissé dessus, je me suis retrouvé tout en haut de la plage, là où la marée n’arrive jamais…
Enfin, sauf quand le coefficient est à 116, évidemment.
Je suis prêt. Si j’avais un cœur, il exploserait de joie dans ma poitrine (si j’avais une poitrine. Décidément, nous sommes bien peu de choses, mais mon amour est immense, car je sais que grain 2027 m’attend !)
Je sais qu’elle pense à moi, qu’elle ne m’a pas oublié.
Pendant des heures, j’observe avec espoir l’eau qui, vague après vague, s’approche toujours plus près. Et si ça ne marchait pas ? Si elle n’arrivait pas jusqu’à moi ? Attendre six mois jusqu’aux prochaines grandes marées, je ne le supporterai pas !
Enfin, alors que je n’espérais plus, la vague salvatrice arrive et me submerge. Balloté, remué en tout sens avec tous mes frères et sœurs, je ne me laisse pas distraire par leur joyeuse euphorie, concentré sur l’objectif : la chaise du maître-nageur-sauveteur !
6 heures après, je suis en place. Plus qu’un mètre, et j’arriverai directement sous la chaise. Il ne reste plus qu’à attendre la prochaine marée haute, je suis désormais assez près du bord pour ne plus me soucier de stupides coefficients de marée.
C’est alors qu’une horrible dame arrive avec sa serviette à l’effigie des Schtroumf. Devrais-je y voir un signe ? Je sens poindre une discrète inquiétude. Elle et son gosse s’installent, m’encadrant de leurs deux serviettes laides.
— Barnabé, viens mettre ta crème solaire ! rugit la harpie.
Le gamin déjà tout rougi se laisse faire de mauvaise grâce.
Sproutch ! fait la crème en sortant du tube.
Puis elle se répand sur moi et 167 autres camarades-grains infortunés. Comme si cela ne suffisait pas, ce sale mioche de Barnabé écrase son pied certainement plein de mycoses et de verrues sur nos têtes !
— Ne patauge pas dans la crème, petit souillon ! beugle la harpie. Avant d’ajouter : va te rincer à la fontaine !
Par le trident sacré du noble Poséidon !
Le grand Schtroumf m’avait pourtant prévenu.