Atelier d’écriture : Souvenirs olfactifs

Dans notre atelier du mois d’avril, j’ai choisi de faire écrire les participantes sur le thème des souvenirs.

Parmi les exercices proposés, je leur ai proposé de travailler autour d’une odeur. On dit souvent que la mémoire olfactive est une des plus puissantes. A des décennies de distance, un simple effluve peut, en une fraction de seconde, nous replonger dans le passé avec une précision vertigineuse, pour exhumer une scène étonnamment intacte et riche en émotions…

Souvent, ces odeurs ramènent à l’enfance ou à des moments heureux de la vie. Le fumet délicieux de la pâte à gâteaux en train de dorer dans le four, le parfum printanier de l’herbe fraîchement coupée, l’eau de Cologne qu’une grand-mère aimée appliquait derrière ses oreilles et au creux de ses poignets, pour les grandes occasions…

Et vous, quel est votre souvenir olfactif le plus marquant ? N’hésitez pas à utiliser l’espace des commentaires pour le partager !

Voici mon propre texte :


Certaines personnes portent le même parfum toute leur vie. Ce n’est pas mon cas. J’aime en changer, tantôt léger, tantôt capiteux, variant au gré de mon humeur mais aussi des saisons : notes de vanille ou de patchouli en hiver, jasmin ou rose en été.

Durant les trente années où je l’ai côtoyée, elle n’a jamais porté qu’une seule fragrance, un parfum aux notes très fleuries qui seyait plutôt à une jeune fille, moins à la mère, grand-mère et arrière-grand-mère qu’elle était.

Cabotine, de Grès. Je me souviens du nom, évoquant lui aussi la prime jeunesse, les parties de cache-cache dans des jardins printaniers, les rires juvéniles et insouciants, les amourettes d’un seul été.

Cabotine, un qualificatif qui lui allait si mal, pour un parfum qui, à tout jamais, dans mon esprit lui est associé.

Je l’avais porté, moi-même, avant de la connaître. Ses notes délicates où mon nez, peu expert, n’a jamais su repérer que le lilas me plaisaient, mais me sont devenues interdites quand j’ai compris qu’elle-même y était fidèle à défaut de tout autre. Elle en accumulait des flacons innombrables, chacun des membres de son abondante famille se rabattant sur ce cadeau sans risque à chaque Noël, à chaque fête des mères.

Elle en avait pour des années, plus qu’il ne lui en restait à vivre, l’histoire l’a démontré, mais elle s’en montrait ravie. Elle était de cette génération marquée par la peur de manquer.

Je me demande où sont passés tous ces flacons non entamés, d’ailleurs, après son décès… Embarqués par l’un ou l’autre, donnés à des amis, à moins peut-être que sa fille, submergée par cette masse d’objets accumulés durant toute une existence, les ait tout simplement jetés.

En dehors d’elle, personne dans mon entourage n’a jamais porté Cabotine, ce parfum un peu vieillot, sans originalité, pour tout dire passé de mode.

Et puis l’autre matin, descendant l’escalier en direction de la cuisine pour aller me faire couler mon premier café, une bouffée de parfum – ce parfum – reconnaissable entre mille, m’a brusquement empli les narines.

Cela n’a duré que l’espace d’un instant, puis l’odeur s’est dissipée. Mais elle m’avait suffi, et j’ai franchi les dernières marches avec le sourire qu’on a, croisant une ombre du passé qu’on n’aurait jamais cru revoir, et que l’on aimait.

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