La maison atlantique, de Philippe Besson

Je n’ai découvert Philippe Besson que récemment, et je regrette d’être si longtemps passée à côté. J’ai aimé tous les romans que j’ai lus de lui, notamment « Son frère » ou « Le dernier enfant », paru en janvier dernier. L’auteur est passé maître dans l’exploration des sentiments humains et la psychologie des personnages.

Moi qui apprécie également le répertoire du théâtre classique, j’ai été particulièrement sensible à la construction de ce roman : c’est, sans conteste, à une tragédie que nous avons affaire, respectant la règle des trois unités : lieu, temps et action.

Quelque part sur la côte atlantique, dans une station balnéaire très fréquentée en été, triste et désertée l’hiver, une maison ; le temps d’un seul été, il s’y nouera un drame qui nous est annoncé, inéluctable, dès les premières pages.

Le narrateur, qui a dix-huit ans à l’époque, vient de réussir son bac. Alors qu’il voudrait partir en vacances avec ses camarades de classe, son père l’oblige à venir passer l’été avec lui, dans la maison où sa mère est morte deux ans plus tôt.

Cet accès d’autorité mal placé n’explique que partiellement la haine que le fils lui porte.

À aucun moment, on ne nous livre son prénom. Quant à celui du père, Guillaume, il n’est mentionné qu’une seule fois. Une façon pour l’auteur, peut-être, de donner à ce conflit père-fils une portée plus universelle. Car c’est bien là le thème central du livre : la haine entre le père et le fils, les ressentiments, les non-dits et toutes les occasions de réconciliation manquées entre eux jusqu’au dénouement, terrible et attendu.

 … parfois, l’enchaînement des circonstances provoque des tragédies, voilà. 

Le fils le remarque à plusieurs reprises, il aurait peut-être pu en être autrement. Une simple phrase, si elle avait été prononcée, aurait-elle stoppé l’engrenage ?

Il s’interroge, sans vraiment déplorer.

Ce qui est fait est fait. On pense à l’Antigone d’Anouilh, à la fatalité et aux rôles que le destin attribue aux personnages, sans leur offrir la moindre chance de dévier du chemin tracé.

J’ai souvent repensé à la mise en place du piège qui allait se refermer sur nous.

Que le nœud de l’intrigue nous soit annoncé dès les premières pages ne gêne en rien. Au contraire, il y a une certaine volupté à observer la manière dont tous les éléments se mettent en place, le fait de savoir renforçant encore le sentiment terrible d’inéluctable.

L’écriture est superbe, comme toujours avec Besson, à la fois poétique et très sobre, justifiant la lecture à elle seule. Les descriptions, qu’il s’agisse des lieux ou des personnages, font mouche en peu de mots.

L’ambiance oppressante est parfaitement rendue, sans être angoissante.

Après tout, les faits sont prescrits, et le narrateur ne se répand pas en émotions, c’est le moins qu’on puisse dire.

Les chapitres sont très courts, percutants. On devine derrière chaque phrase une simplicité savamment travaillée pour toucher au cœur ; c’est d’ailleurs le cas dès l’incipit, parfait :

Je suis orphelin, ce sont des choses qui arrivent.

En somme, « La maison atlantique » est un court roman qui se lit d’une traite, pour laisser son lecteur hors d’haleine, sonné par un final implacable dont, pourtant, on l’avait averti.

Cette chronique est parue initialement sur le blog « Au plaisir de lire » (l’original est à découvrir ICI)

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