L’ami, de Tiffany Tavernier
Cela commence comme un excellent polar, où le lecteur est immergé dans l’action dès les premières lignes.
Thierry et sa femme Lisa, qui habitent un hameau de deux maisons au milieu de nulle part, sont réveillés aux aurores par la scène la plus improbable qui soit : le GIGN donne l’assaut chez leurs voisins.
Affolés, désorientés, ils pensent d’abord à une erreur mais, très vite, l’atroce réalité va les cueillir de plein fouet : Guy, l’ami dévoué, le voisin serviable toujours disposé à prêter son échelle ou donner un coup de main pour de menus travaux, est en fait un abominable monstre, un tueur de jeunes filles qu’il a, années après années, torturées à mort avant de les enterrer dans son jardin, avec la complicité de sa femme.
Pour Thierry, la violence du choc est inouïe. Comment Lisa et lui ont-ils pu ne pas voir, comment ont-ils pu être si naïfs ? Au traumatisme de la révélation s’ajoutent la curiosité malsaine des proches, le harcèlement des journalistes, les questions insistantes et l’omniprésence des gendarmes…
L’existence tranquille et sans histoire de Thierry vole en éclats…
Car c’est bien de lui, et non du meurtrier ou de sa femme, que Tiffany Tavernier a choisi de raconter l’histoire. La brutalité du fait divers, on le comprend très vite, n’était qu’un prétexte, le catalyseur d’un effondrement qui prend en réalité sa source bien plus loin dans le passé du taciturne narrateur.
Comment oublier ? Comment réapprendre à vivre quand tous les repères ont été bouleversés ? Voilà le véritable thème de ce roman qui entraîne le lecteur dans la tête de cet homme ordinaire, en quête de reconstruction.
L’écriture de Tiffany Tavernier est simple, précise et très agréable à lire.
La monochromie du personnage principal est certainement volontaire, mais ses errances métaphysiques, je l’avoue, ne m’ont que peu émue. Difficile, en effet, de s’attacher à un héros aussi peu empathique que lui ; c’est d’ailleurs précisément ce que son entourage, et surtout sa femme, lui reprochent.
En somme, le seul être vivant qui semblait l’aimer un peu est précisément le sanguinaire voisin, ironie dont le pauvre Thierry a cruellement conscience et qui le désespère. Certes, on le serait à moins, mais l’auteure n’a pas choisi d’explorer cette piste de l’amitié taboue qui aurait, peut-être, apporté à ce roman davantage d’originalité, voire d’intérêt.
Après un début captivant, « l’Ami » se perd un peu dans les méandres d’un portrait psychologique minutieux, mais finalement assez convenu, dont la fin déroutante m’a laissé un certain goût d’inachevé.
Cette chronique est parue initialement sur le blog « Au plaisir de lire », que vous pouvez visiter ICI.