Le service des manuscrits, d’Antoine Laurain
Au service des manuscrits de la maison d’édition de Violaine Lepage, on a inventé un code très simple pour trier les textes qui, chaque jour, arrivent par la poste.
Un carré : texte non retenu (pour l’écrasante majorité des œuvres proposées)
Une lune : le texte présente un intérêt ; l’auteur est encouragé à le retravailler, ou à proposer un autre titre qui sera étudié avec beaucoup d’attention.
Un soleil : à publier de toute urgence !
Les soleils, ça va sans dire, ne brillent pas souvent dans la petite pièce de trente mètres-carré où officient Marie, Murielle et Stéphane.
Mais, de temps à autre, ça se produit : c’est ainsi que Marie met la main sur une pépite, « Les fleurs de sucre » qui, aussitôt publiée, entre dans la sélection du prestigieux prix Goncourt.
Seul problème : Camille Désencres, l’auteur (ou l’auteure, comment savoir ?) est introuvable.
Alors que Violaine Lepage, rescapée miraculeuse d’un crash d’avion où elle a laissé de grands pans de sa mémoire, commence à soupçonner Camille de la connaître de près, l’impensable se produit : d’effroyables meurtres ont lieu, reproduisant fidèlement les assassinats décrits dans « les fleurs de sucre ».
La lieutenante Sophie Tanche, chargée de l’enquête, en est vite persuadée : la clé de l’énigme se trouve au service des manuscrits.
J’ai découvert avec beaucoup de plaisir ce roman et cet auteur que je ne connaissais pas. Antoine Laurain s’est manifestement bien amusé en écrivant cette histoire qui part un peu dans tous les sens, et où le lecteur croisera, entre autres, Bernard Pivot, Stephen King, Michel Houellebecq mais aussi, de façon plus surprenante, Marcel Proust et son manteau de loutre, Georges Perec et son chat télépathe ou encore Virginia Woolf.
La partie consacrée au milieu éditorial français est, pour qui s’intéresse aux subtilités des rapports entre auteur et éditeur, particulièrement jubilatoire. Les extraits de courriers d’écrivains mécontents d’avoir été éconduits, notamment, sont presque trop caricaturaux pour être vrais (et pourtant !) :
« J’ai reçu mon manuscrit par retour de courrier. J’avais posé un cheveu à la page 357 et je vois qu’il y est toujours. Vous ne m’avez pas lu. Je savais bien que les maisons d’édition ne lisent jamais rien. »
« J’ai décidé d’en finir avec la vie. Seule la publication de mon manuscrit me rattachait à l’existence. »
«… Tous mes amis et ma famille me disent que mon livre est formidable ! Vous privez le lectorat d’une histoire merveilleuse et votre maison d’édition d’un succès garanti. »
Si l’enquête policière manque singulièrement de crédibilité, si la chute et l’explication finale sont faciles, pour ne pas dire carrément tirées par les cheveux, l’intérêt principal du roman ne réside cependant pas là. « Le service des manuscrits » n’est pas un polar et, même si on pourra reprocher à l’auteur de s’être un peu perdu dans les digressions de son intrigue, il s’agit d’un roman bien écrit et original, avec des personnages principaux ou secondaires réussis et attachants.