Les liens artificiels, de Nathan Devers
Ce roman paru chez Albin Michel me faisait de l’œil depuis sa sortie, mais c’est des mois après sa publication que je l’ai enfin découvert, victime de ma Pile A Lire gigantesque.
Outre la magnifique couverture, un Narcisse moderne se mirant dans l’écran de son téléphone portable, les nombreuses chroniques que j’avais lues à son sujet avaient attisé ma curiosité.
Le thème est au goût du jour : le danger des réseaux, des écrans et d’Internet. Mais on a davantage l’habitude de le voir traité dans des articles de fond, ou même dans des mémoires (petit clin d’oeil à mon fils dont c’était justement le sujet de TPA, autant dire que nous avons baigné dans ses questions d’addiction technologiques depuis quelque temps à la maison…). Bref, pour une fiction, le défi était casse-gueule, disons-le, et le risque de virer à l’essai plutôt important, d’autant que l’auteur, Nathan Devers, est à 24 ans Normalien et agrégé de philosophie, excusez du peu.
Autant dire qu’il va falloir s’accrocher, pensais-je, en me plongeant dans le premier chapitre.
Et pour le coup, ça commence fort : Julien Libérat, un type passablement ordinaire, lance une vidéo en direct sur son nouveau compte Facebook, observé par une poignée de followers intrigués et voyeurs… et il se jette par la fenêtre.
Après ce démarrage en fanfare, j’ai d’abord craint que l’histoire ne s’enlise, remontant le fil de la terne existence de Julien et des raisons qui l’ont poussé à y mettre un terme. Mais ce fut bien loin d’être le cas, et il ne me fallut que quelques chapitres pour plonger totalement dans cette dystopie où un visionnaire surdoué – et complètement siphonné – crée un jeu de réalité virtuel baptisé « l’Antimonde ». L’adhésion de la population est telle que bientôt, plusieurs milliards d’individus possèdent leur avatar… et Julien en fait partie…
Extrêmement bien écrit, ce livre – dont la fin, pourtant, est connue dès la première page – est aussi addictif qu’un bon jeu vidéo, et distille avec subtilité une mise en garde quant à l’envahissement de notre quotidien par des outils technologiques dont nous ne mesurons pas assez la dangerosité.
Une fiction, sans doute. Et pourtant, ne ressemble-t-elle pas déjà à notre réalité ?